Mondial 2006:
Amadou et Mariam notre fierté |
Imaginez
une minute que vous êtes un Malien perdu quelque part entre les antipodes
et la calotte glacière, que votre seule source d’informations sur
le pays est l’Internet… La télévision de votre pays
d’accueil ne parle jamais du Mali.
Puis, tout d’un coup, comme par la baguette d’un magicien criant
abracadabra, vous vous installez devant le petit écran pour suivre la
Coupe du monde de football, l’événement le plus médiatisé
du monde. Et, que voyez-vous, comme dans un rêve encore, un couple de
musiciens maliens chantant l’hymne officiel du rendez-vous mondial ! Vous
êtes alors envahi par un indicible sentiment de fierté et d’accomplissement,
surtout quand, le lendemain, des amis locaux vous disent : « J’ai
vu le couple de chez toi à l’ouverture de la Coupe du monde ».
Seigneur, dites-moi que ce n’est pas une illusion…
Oui, comme deux milliards d’êtres humains sur la planète,
j’ai vu Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia chanter le 9 juin. Je n’ai
pu m’empêcher de lever les poings en l’air en criant un «
yes » bien senti. Nos joueurs n’ont certes pas fait l’effort
de nous conduire en Allemagne, mais ne boudons pas notre plaisir, réjouissons-nous
de cet instant magique qui a permis à notre cher Mali de faire une irruption
monumentale sur la carte du monde.
Si je vous en parle aujourd’hui, rassurez-vous, ce n’est pas un
retard à l’allumage. J’ai deux raisons : Je viens de lire
l’excellent article Des Échos sur notre compatriote Harouna Maïga,
professeur de sciences animales et primé par l’Université
du Minnesota et un ami m’a envoyé un e-mail qui me fait croire
que quelque chose est en train de changer au Mali, dans notre rapport au succès.
Rappelez-vous, j’ai plusieurs fois déploré le mépris
de nos « autorités » officielles envers les Maliens qui réussissent
à l’étranger, font la différence et honorent notre
pays. Donc, pour revenir au courrier électronique, mon ami disait : «
… et la meilleure, c’est que ATT a fait diffuser à l’ORTM
un message de félicitations pour Amadou et Mariam ».
Je ne suis pas membre d’un club ATT ni d’un mouvement citoyen. Je
ne connais ni d’Adam ni d’Eve les initiateurs des groupes de soutien
au président, à vrai dire, la politique malienne me laisse de
marbre. Mais, franchement, honnêtement, le président a rempli son
rôle en félicitant publiquement, au nom du Mali, Amadou et Mariam.
Il devrait le faire également pour tous les autres Maliens qui se distinguent.
Comme Jacques Chirac, Angela Merkel et Tony Blair le font chaque fois qu’un
de leurs compatriotes est primé. Ce n’est ni de la récupération
politique ni de la démagogie. Cela veut dire reconnaître tout simplement
qu’un Malien, qu’il soit à Bamako, Fongolimbi ou Nouméa,
est un ambassadeur de son pays. Sa réussite est celle du Mali.
Je ne sais pas si c’est déjà fait, mais à leur retour
à Bamako, ATT doit les accueillir officiellement au palais, leur réserver
une audience suivie d’un repas et les féliciter de vive voix devant
les caméras de la télévision. En prenant sûrement
le soin de ne pas inviter les flagorneurs et récupérateurs à
se joindre à la fête. Pourquoi les recevoir publiquement ?
Par respect. Parce que cela forcera tous les détenteurs d’une parcelle
de pouvoir dans ce pays à les respecter désormais. Le ministre
de la Culture, par exemple, ne pourra jamais se permettre de snober des artistes
qui possèdent le numéro de cellulaire du président de la
République et taille causette avec le Premier ministre. Ce serait simplement
le début d’une reconnaissance officielle de la nation envers ses
enfants.
Dans le même ordre d’idées, pourquoi ne pas créer
au Mali une sorte de Maison des célébrités. Je pense à
des Maliens comme Yambo Ouologuem, Youssouf Tata Cissé, Cheick Modibo
Diarra, Alpha Oumar Konaré, Dr. Maguiraga, les deux Salif Kéita
(celui de la musique et celui du football), Oumou Sangaré, etc. pour
animer cette structure, aider les jeunes Maliens qui veulent faire carrière
dans les institutions internationales ou comme artistes. Ils pourraient également
servir d’ambassadeurs-vendeurs du Mali à l’étranger.
Juste pour éviter cette réponse énervante à la question
de celui qui veut savoir où se trouve le Mali : « Nous sommes à
côté de l’Algérie ou du Sénégal ».
Le Mali ne doit pas être le voisin de pour s’identifier, mais être
connu et reconnu à travers le monde. Et, pour le moment, je pense qu’en
4 minutes, Amadou et Mariam ont eu plus de résultats que toutes les campagnes
de promotion touristique menées depuis l’indépendance.
Merci Mariam, Merci Amadou, pour cette lumière sur le Mali !
Ousmane Sow
(journaliste à Montréal)
Les Echos - 19/07/2006